DE L'ENTRE-DEUX AU BAGNE DE CAYENNE : L'HISTOIRE SORDIDE D'UN PERE
C'est l'histoire de Paul Grondin, l'un de mes collatéraux de la branche maternelle, que je vais vous retracer ici à partir des éléments de son jugement, son dossier du Bagne de Cayenne, de quelques articles de presse le concernant.
Mon aïeul Denis Grondin, né en 1719 de la 8ᵉ génération, était le frère de Jacques Grondin, son aïeul, né aux environs de 1694, tous deux issus du mariage entre François Grondin et Jeanne Arnould.
Paul naquit le 02 janvier 1865 à l'Entre-Deux, à l'île de la Réunion. Son père Louis Siméon Grondin et sa mère Éléonore Fontaine eurent cinq enfants :
Louis 1862
Paul 1865
Elisabeth 1867
Charlemagne 1870
François 1872
Paul, âgé de 23 ans, de religion catholique, se maria le 6 juillet 1888 à l'Entre-Deux avec Julie Técher, âgée de 15 ans et légitima ce jour-là leur premier enfant, Jules Marius, né le 24 mai 1887. Julie naît le 7 mai 1873 à l'Entre-Deux également, elle est issue d'une fratrie de dix enfants, ses parents sont Técher Antoine et Hoarau Éléonore. Son acte de mariage stipule qu'il ne sait pas signer.
Paul et Julie auront 7 enfants :
Jules Marius 1887
Suzannie 1889
Marie Berthe 1891
Mathilde Éléonore 1894
Marie Pauline 1896
Julia 1899
Amélia 1901
Mais qui était Paul Grondin ?
Paul mesurait 1,59 m, ses cheveux et ses sourcils étaient châtains, la couleur de ses yeux : gris, une bouche plutôt moyenne, un menton rond, avec une barbe, un visage ovale et un teint brun. Sur ses bras, il avait une marque de vaccin, une grosse cicatrice sur le mollet droit, une forte cicatrice sur le pied gauche, sur le tibia et sur la jambe gauche. Il ne s'adonnait pas à l'ivrognerie, mais pratiquait le libertinage et la débauche. Il était connu pour être un bon travailleur. Ses moyens d'existence sont le produit de son travail puisqu'il était ouvrier en forêt pour un employeur. Il ne vivait pas dans l'oisiveté parce qu'il contribuait à l'entretien de sa famille. D'ailleurs, celle-ci ne pourrait pas se passer de son aide si quelque chose lui arrivait.
Avant son mariage, Paul a été condamné le 13 octobre 1886 par le Tribunal Correctionnel de Saint-Pierre à quinze jours de prison pour des délits.
L'arrivée de ses enfants va momentanément le calmer, jusqu'au jour où il va commettre l'irréparable sur deux de ses filles : Marie Berthe et Mathilde Éléonore.
Le 28 juin 1911, dans la presse locale « le Peuple de Saint-Denis » dans la rubrique Cour d'Appel de St-Pierre, on y apprend : qu'en 2ᵉ session de l'année 1911, Paul Grondin va être jugé le mercredi 28 pour viol et attentat à la pudeur sans violence.
Mais alors, que s'est-il passé ?
L'arrêt de la Cour d'Assises en date du 29 juin 1911 relate ainsi les faits :
... « Paul Grondin est rendu coupable d'avoir au mois de février 1911 à Saint-Pierre, au lieu dit « Plaine des Cafres » volontairement commis un attentat à la pudeur consommé ou tenté sans violence sur la personne de Mathilde Éléonore Grondin, sa fille mineure, âgé de plus de 13 ans, mais non émancipée par le mariage.
D'avoir dans le courant de l'année 1907, en tout cas depuis moins de dix ans, à Saint-Pierre au lieu dit « Le Tampon » commis un viol sur la personne de Mathilde Éléonore Grondin, mineur alors âgée de moins de 13 ans accomplis et donc il est le père légitime.
D'avoir à différentes reprises dans le courant des années 1903, à Saint-Pierre, lieu dit « Six cents », 1904 à 1905 à Saint-Pierre lieu dit « Bois Court » et en 1906 à 1907 dans la même commune au lieu dit « Tampon » en tout cas depuis moins de dix ans commis un attentat à la pudeur consommée ou tenté sans violence sur la personne de Marie Berthe Grondin, sa fille mineure, âgé de plus de 13 ans, mais non émancipée par le mariage. »
….« Et attendu que le nommé Paul Grondin vient d'être condamné par le présent arrêt à la peine de quinze années de travaux forcés.
Qu'à raison de cette condamnation, il encourt de plein droit la déchéance de la puissance paternelle.
…. Déclare Grondin Paul déchu de la puissance paternelle sur tous les droits qui s'y rattachent à l'égard de tous ses enfants et descendants.
Ordonne, en conséquence, que les enfants issus du mariage de Grondin Paul avec Dame Técher Julie restent confiés à la garde de leur mère jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné par Justice.»...
Nous apprenons à la lecture des exposés des faits qu'un témoin a surpris le père et la fille dans leurs ébats et a aussitôt averti le Parquet. Grâce à cette déposition, le juge a pu ouvrir contre Paul Grondin une instruction au cours de laquelle il passa aux aveux complets.
Après avoir été détenu à la prison de Saint-Denis, Paul embarqua le 17 décembre 1912 sur le steamer « Loire » à destination de la Guyane française et arriva le 11 janvier 1913. Mais avant de rejoindre Cayenne, il a été écroué au dépôt du groupe pénitentiaire de Maison Carrée en Algérie sous le n° 7760.
Au moment de son arrivée au bagne de Cayenne, son état de santé est plutôt satisfaisant. Il a été vacciné le 11 décembre 1912. Il est stipulé dans son dossier individuel qu'il pourrait être occupé avec avantage dans les exploitations forestières, sous tous les climats.
La profession apprise pendant sa détention est la confection de la tresse en alfa, il reçoit pour cela une gratification est en espèces.
Il a été interné à plusieurs reprises entre 1913 et 1917, au pénitencier de Kourou, pour des punitions infligées : 15 jours de prison pour disparition d'effets réglementaires (vareuse de laine) et 30 jours pour défaut de tâches. Cependant, sa conduite dans les punitions reste bonne.
La fatalité va faire qu'il va rejoindre Apollinaire Técher,
détenu depuis janvier 1911, cousin éloigné de son épouse Julie,
et également le second époux de mon arrière-grand-mère maternelle
Marie Félicie Mussard.
Après avoir passé cinq années en détention, Paul s'éteignit le 13 juin 1917 à Cayenne d'un accès pernicieux palustre (une complication gravissime, souvent mortelle, du paludisme chez des sujets dépourvus de toute immunité acquise). Cliniquement, il s'agit le plus souvent d'un coma d'intensité variable. Son acte de décès sera transmis le 5 octobre 1917 à La Réunion. Sa famille sera avertie par un télégramme en date du 15 juin 1917.
Pendant l'incarcération de leur père, Mathilde et Marie-Berthe se
sont mariées avec deux des fils de Louis Élysée Payet. Le journal
officiel du 19 août 1933 nous fait part de la décoration reçue par
Mathilde, à savoir la médaille d'argent, attribuée aux mères de
familles nombreuses ayant eu sept enfants.