
DE L'ENTRE-DEUX AU BAGNE DE CAYENNE : L'HISTOIRE SORDIDE D'UN PERE
PAUL – MATRICULE N° 40443
C'est l'histoire de Paul GRONDIN, l'un de mes collatéraux de la branche maternelle, que je vais vous raconter ici en utilisant les éléments de son jugement, son dossier du Bagne de Cayenne et quelques articles de presse qui le traitent.
Denis GRONDIN, mon aïeul, né en 1719 de la 8e génération, était le frère de Jacques GRONDIN, son aïeul, né vers 1694, tous deux les fils de François GRONDIN et de Jeanne ARNOULD.
Le 02 janvier 1865, Paul est né à l'Entre-Deux, à l'île de la Réunion. Son père Louis Siméon GRONDIN et sa mère Éléonore FONTAINE eurent cinq enfants : Louis 1862, Paul 1865, Elisabeth 1867, Charlemagne 1870, François 1872.
Paul, 23 ans, de religion catholique, épousa Julie TECHER, 15 ans, le 6 juillet 1888 à l'Entre-Deux et eut leur premier enfant, Jules Marius, né le 24 mai 1887. Julie est également née le 7 mai 1873 à l'Entre-Deux, elle est l'une des dix enfants d'Antoine TECHER et Éléonore HOARAU. Son contrat de mariage indique qu'il est incapable de signer.
Paul et Julie eurent sept enfants : Jules Marius 1887, Suzannie 1889, Marie Berthe 1891, Mathilde Éléonore 1894, Marie Pauline 1896, Julia 1899, Amélia 1901.
Qui était Paul Grondin exactement ?
Paul avait une taille de 1,59 mètres, ses cheveux et ses sourcils étaient châtains, ses yeux étaient gris, sa bouche était moyenne, son menton rond, il avait une barbe, un visage ovale et un teint brun. Il présentait une trace de vaccin sur ses bras, une cicatrice importante sur le mollet droit, une cicatrice importante sur le pied gauche, sur le tibia et sur la jambe gauche. Il ne consommait pas d'alcool, mais s'adonnait au libertinage et à l'ivresse. Il était réputé pour sa qualité de travail.
Les revenus qu'il gagne proviennent de son travail, car il travaillait comme ouvrier en forêt pour un employeur. Il n'était pas oisif car il apportait sa contribution à la subsistance de sa famille. En outre, elle serait incapable de se passer de son assistance si quelque chose lui arrivait.
Paul a été condamné à quinze jours de prison pour des délits par le Tribunal correctionnel de Saint-Pierre le 13 octobre 1886, avant son mariage.
L'arrivée de ses enfants va l'apaiser pendant un certain temps, jusqu'au moment où il va commettre l'irréparable sur ses filles : Marie Berthe et Mathilde Éléonore.
Le 28 juin 1911, dans le journal local « Le Peuple de Saint-Denis », dans la section Cour d'Appel de Saint-Pierre, il est annoncé que Paul Grondin sera jugé le mercredi 28 pour viol et attentat à la pudeur sans violence lors de la deuxième session de l'année 1911.
Mais que s'est-il réellement passé ?
Selon l'arrêt de la Cour d'assises du 29 juin 1911, les faits sont tels :
« Paul Grondin est rendu coupable d'avoir au mois de février 1911 à Saint-Pierre, au lieu-dit
« Plaine des Cafres » volontairement commis un attentat à la pudeur consommé ou tenté sans violence sur la personne de Mathilde Éléonore Grondin, sa fille mineure, âgé de plus de 13 ans, mais non émancipée par le mariage.
D'avoir dans le courant de l'année 1907, en tout cas depuis moins de dix ans, à Saint-Pierre au lieu-dit « Le Tampon » commis un viol sur la personne de Mathilde Éléonore Grondin, mineur alors âgée de moins de 13 ans accomplis et donc il est le père légitime.
D'avoir à différentes reprises dans le courant des années 1903, à Saint-Pierre, lieu-dit « Six cents », 1904 à 1905 à Saint-Pierre lieu-dit « Bois Court » et en 1906 à 1907 dans la même commune au lieu-dit « Tampon » en tout cas depuis moins de dix ans commis un attentat à la pudeur consommée ou tenté sans violence sur la personne de Marie Berthe GRONDIN, sa fille mineure, âgé de plus de 13 ans, mais non émancipée par le mariage. »
« Et attendu que le nommé Paul GRONDIN vient d'être condamné par le présent arrêt à la peine de quinze années de travaux forcés.
Qu'à raison de cette condamnation, il encourt de plein droit la déchéance de la puissance paternelle.
Déclare GRONDIN Paul déchu de la puissance paternelle sur tous les droits qui s'y rattachent à l'égard de tous ses enfants et descendants.
Ordonne, en conséquence, que les enfants issus du mariage de GRONDIN Paul avec Dame TECHER Julie restent confiés à la garde de leur mère jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné par Justice ».
En lisant les exposés des faits, nous découvrons qu'un témoin a surpris le père et la fille dans leurs ébats et a immédiatement informé le Parquet. Cette déposition permit au juge d'ouvrir une instruction contre Paul GRONDIN pendant laquelle il fit des aveux complets.
Détenu à la prison de Saint-Denis, Paul prit le 17 décembre 1912 le steamer « Loire » pour la Guyane française et arriva le 11 janvier 1913. Cependant, avant d'arriver à Cayenne, il a été incarcéré au centre pénitentiaire de Maison Carrée en Algérie, avec le numéro 7760.
Lorsqu'il arrive au bagne de Cayenne, sa condition est assez bonne. Son vaccin a été administré le 11 décembre 1912. Dans son dossier personnel, il est mentionné qu'il pourrait être employé avec avantage dans les exploitations forestières, sous tous les climats.
Pendant sa détention, il a acquis la compétence de fabriquer de la tresse en alfa, ce qui lui vaut une rémunération en espèces.
Entre 1913 et 1917, il a été incarcéré à plusieurs reprises au pénitencier de Kourou, pour des peines de quinze jours de prison pour avoir dissimulé des effets réglementaires (vareuse de laine) et trente jours pour défaut de travail. Néanmoins, sa conduite lors des sanctions demeure satisfaisante.
Il va se retrouver avec Apollinaire TECHER, qui est emprisonné depuis janvier 1911, un cousin éloigné de son épouse Julie, et également le second mari de mon arrière-grand-mère maternelle Marie Félicie MUSSARD, par défaut.
Après cinq ans de prison, Paul mourut le 13 juin 1917 à Cayenne d'un accès palustre (complication grave, souvent mortelle, du paludisme chez des sujets sans immunité acquise). De manière clinique, il s'agit généralement d'un coma d'intensité variable. Un télégramme a été envoyé à sa famille le 15 juin 1917. Son acte de décès a été transmis le 5 octobre 1917 à La Réunion.
Alors que leur père était en détention, Mathilde et Marie-Berthe épousèrent deux des fils de Louis Élysée PAYET. Le 19 août 1933, le journal officiel annonce la médaille d'argent remise à Mathilde, décernée aux mères de familles nombreuses ayant sept enfants.
*Tous les récits individuels sur les bagnards ci-dessous sont tirés des copies d'archives aux ANOM et aux AD 974, AD de la Guyane, AD Indre et Loire, de la presse ancienne sur Gallica. Tous ces hommes cités ici ont un lien avec mon arbre généalogique.





