DE SAINT-BENOÎT À MOULINS EN PASSANT PAR L'ÉGYPTE

13/09/2024

Auguste Alix Rivière, fils d'Anicet et Marguerite Rivière, est un collatéral à l'une de mes aïeules paternelles, Marie Anatalie Rivière. Il est issu d'une fratrie de sept enfants au total :

  • Marie-Claire, Joséphine 1862/1895

  • Joseph, Cyrus 1865/1875

  • Pierre, François 1867/1873

  • Marcelline, Zélonie 1869/1897

  • Paul, Innocent 1871/1878

  • Auguste, Alix 1876/1926

  • Marie-Agnès, Raphaëlle 1879/1899

Cependant, c'est dans une famille bien éprouvée par les décès prématurés de ses frères aînés qu'Auguste Alix Rivière fit le choix de venir au monde le 02 octobre 1876 à Saint-Benoît (Île de la Réunion).

Les épidémies de dengue et de paludisme sévissent l'île sans relâchement depuis plusieurs années déjà, et c'est en 1873 que Pierre mourut à six ans, et en 1875 Joseph décéda à dix ans probablement de l'une d'elles.

Les décès continuèrent après sa naissance, en 1878, c'est au tour de Paul à l'âge de sept ans.

Marguerite fut fragilisée par ses multiples décès, c'est pourquoi, elle portera une attention particulière sur Auguste, de nature plutôt frêle.

Malheureusement en 1883, à l'âge de sept ans, il tomba gravement malade. Aucun remède ne lui vint en aide. Voyant le schéma de la maladie se répétait une nouvelle fois et l'heure arrivée du trépas, sa mère Marguerite se jeta au pied d'une icône de la Vierge Marie en l'implorant dans une prière entrecoupée de sanglots, se mit à dire : « Oh Marie, je vous consacre mon fils. Guérissez-le, je vous en supplie. En retour, je vous le promets, de le laisser entrer en religion, si plus tard le bon Dieu juge à propos de l'y appeler. »

La prière fut exaucée, le malade se remit de son mal et il pouvait dire en toute vérité : « Je suis un miraculé de l'immaculée Vierge Marie ».

C'est à l'âge de huit ans, qu'Auguste commença à fréquenter l'une des écoles tenues par les frères de l'école chrétienne. Sa perspicacité et sa dévotion se remarquèrent dès les premiers mois.

À sa douzième année, l'écolier jouissait déjà d'une bonne réputation grâce à sa vivacité et son intelligence. Animé d'une foi inébranlable, il eut le désir de se faire religieux dans la congrégation de ses maîtres.

En visite sur l'île, le Frère Apronien-Marie demanda à voir l'enfant après qu'on lui fit part de son souhait de rejoindre l'institut. Son impression fut si favorable, qu'il n'hésita pas à lui dire qu'il le conduira avec lui en France et l'introduira au petit noviciat de Moulins dans l'Allier.

Tout joyeux, l'enfant partit de l'île le 17 octobre 1888 faire son petit noviciat. Après une longue et heureuse traversée en compagnie de son mentor, Auguste arriva enfin dans la capitale du duché de Bourbon, à Moulins, où allaient s'écouler d'exaltantes années de formation religieuse. Successivement petit novice, novice et scolastique.

À l'âge de 14 ans, Auguste fut avisé du décès de son père Anicet le 26 avril 1890. Deux ans plus tard, à l'âge de 16 ans, le 27 septembre 1892, il entra au noviciat de Moulins et prit l'habit le 01 novembre 1892 et deviendra Frère Ignace-Clément. Il renouvela ses vœux de 1895 à 1905.

Pendant sa formation au noviciat, il apprit le décès de sa sœur Marie-Claire en 1895 à l'âge de 32 ans, en 1897 celui de Marcelline à l'âge de 28 ans. Puis vint le tour de sa mère en 1898 et en 1899 sa sœur Marie-Agnès à l'âge de 20 ans. À cause de la distance, frère Ignace-Clément ne revit plus jamais aucun membre de sa famille, mort les uns derrière les autres.

A l'approche du recensement militaire et n'étant pas présent sur l'île, il sera déclaré insoumis en décembre 1899 (année du décès de sa sœur Marie-Agnès) et à la commission spéciale de réforme du 11 février 1918 il fut classé bon absent.

Malgré toutes ces épreuves pour son jeune âge, il produisit une excellente impression tout le long de son apprentissage sur ces condisciples et maîtres. Méthodique, tenace devant les difficultés, il avait réussi avec succès le 10 décembre 1894 à Paris son brevet élémentaire, puis son diplôme de catéchiste en 1898 (année du décès de sa mère) et le 10 novembre 1902 son brevet supérieur. Le voici maintenant en état de former les autres. Employé d'abord à l'école de Paray-le-monial, Frère Ignace-Clément fut rappelé au noviciat en qualité de catéchiste. Tous ses élèves avaient une profonde affection et grande estime pour lui tant par son zèle que ses explications limpides.

La loi du 7 juillet 1904 interdisant aux congrégations religieuses d'enseigner vint interrompre son apostolat qu'il exerçait auprès de ses novices de Moulins.

Ne voulant absolument pas quitter son habit religieux, il s'empressa de se porter volontaire pour aller au-delà des mers. Ses supérieurs l'envoyèrent en Égypte le 28 septembre 1904.

Quelle étrange « coïncidence », quand on sait que son arrière-grand-mère maternelle se prénommait Marie Égyptienne, décédée en 1874, deux ans avant sa naissance. 

Tout fraîchement débarqué, il fut placé à Ramleh, banlieue d'Alexandrie, dans la communauté du collège Saint-Joseph qui comptait dix-sept frères. Sa première classe lui fut confiée. Le nouveau professeur se sentit un peu déconcerté par ce mélange de nationalités et de religions qu'il rencontra dans sa classe. Mais très vite remis de sa surprise, il donna libre cours à son zèle. Il fit établir dans sa classe un vif courant de piété.

Les prières habituelles se firent posément et avec modestie. Il forma ses élèves à la récitation fervente du chapelet et multiplia avec discrétion ses efforts vers une communion fréquente des catholiques. Il eut la joie de voir ceux-ci répondre à ses exhortations et leur exemple entraîna rapidement des élèves d'autres classes.

Ses leçons, toujours bien préparées, étaient suivies avec un intérêt visible par les jeunes gens dont il avait captivé l'attention ; et les résultats des examens attestaient le bon travail qu'il savait obtenir.

Le frère Ignace-Clément fonda, en faveur des élèves les plus avancés, une académie littéraire dont il se servit pour les initier à une connaissance plus approfondie de la langue et de la littérature françaises et les exercer à l'art de bien dire en public. Là encore, il obtint de remarquables succès.

En 1908, ce dévoué professeur quittait le collège de Ramleh pour celui de Sainte-Catherine d'Alexandrie, dans lequel il allait faire un premier stage de quatre ans. Cette époque fut laborieuse et dépourvue de consolations en raison de certaines circonstances indépendantes de sa volonté. Ses élèves ne répondirent pas toujours à son dévouement.

De 1912 à 1915, frère Ignace-Clément fit partie de la communauté de Mansourah. Nommé titulaire de la première classe du collège, il sut immédiatement, par son savoir et ses excellents procédés, inspirer confiance à ses nouveaux élèves, qui lui donnèrent pleine satisfaction.

En dehors de sa classe, il eut à s'occuper de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, dite « Conférence Saint-Louis", établie au collège même et à laquelle il donna une forte impulsion. Chaque semaine, avec zèle et humilité, il présidait la réunion. Il avait le don de la parole.

C'est encore lui qui préconisa l'idée de faire établir une école gratuite de filles auprès des Sœurs de fa Sainte-Famille, sous le patronage de la conférence ; cela fut fait, non sans difficultés, mais actuellement, cette école est en pleine prospérité.

En 1918, après un fervent second noviciat, notre confrère vit un nouveau champ d'action s'ouvrir à son zèle, dans le collège de Khoronfish, au Caire, chargé d'une classe au cours commercial de cet important établissement, il se donna de tout cœur à ses nouvelles fonctions ; et, comme à Mansourah, il obtint rapidement l'estime et la confiance des jeunes gens, par la solidité de son enseignement. À la rentrée scolaire de 1919, il quittait le Caire pour revenir au collège Sainte-Catherine d'Alexandrie, où il se vit confier la partie littéraire dans la première classe commerciale.

Frère Ignace-Clément étendait son dévouement au-delà des limites de sa classe. C'est ainsi qu'il assuma la charge de rédacteur du Bulletin du Cercle de Sainte-Catherine, organe instructif et religieux, destiné à maintenir en relation les anciens élèves de l'établissement. Pendant six ans, il en dirigea les travaux, y mettant tout son cœur, y déployant toute sa verve et tout son talent de prosateur et de poète. Nombre d'excellents articles écrits par lui, dans une langue toujours claire, attestent sa parfaite connaissance des besoins de la jeunesse.

Cependant, sa débordante activité et sa passion de se dévouer, de rendre service ou de faire plaisir allaient avoir un terme. L'heure approchait du grand repos et de l'éternelle récompense. En février 1922, il fut pris d'un gros rhume qui le fit beaucoup souffrir. Que de nuits atroces, à la suite desquelles il soupirait parfois : "J'ai failli mourir ! " C'est à cette époque qu'il fit son testament dans lequel il disait : « Je soussigné, de la Congrégation des Frères des Écoles Chrétiennes, n'ayant plus ni père, ni mère, ni frère, ni sœur et ne possédant aucun bien d'aucune sorte, je remets mon âme et mon corps entre les mains « de Notre-Seigneur et me confie en sa divine miséri­corde. « Fait à Alexandrie, le 1ᵉʳ mars 1922. » « F. Ignace-Clément. »

Après quelque temps de repos, en France, il reprit sa place au collège Sainte-Catherine et s'y occupa encore des multiples travaux dont nous avons donné un aperçu. Mais, au bout de trois ans, force lui fut de s'arrêter devant les ravages exercés dans son organisme par trois ennemis terribles : la consomption, le diabète et l'albuminurie. Embarqué de nouveau pour la France, le malade arrive à l'infirmerie de Moulins. De violents accès de toux déchiraient fréquemment sa poitrine.

Et c'est dans la nuit du 13 au 14 octobre, à la suite d'une de ces crises, que son voisin de cellule, un malheureux paralytique, l'entendit répéter plusieurs fois ces simples mots : Mon Dieu ! ... Mon Dieu ! Hélas, lorsqu'on se rendit dans sa chambre, on eut l'immense chagrin de se trouver en face d'un cadavre. Frère Ignace-Clément s'éteignit à l'âge de cinquante ans le 14 octobre 1926 à Moulins après avoir passé 34 ans en religion dans la congrégation des frères de l'école chrétienne.

Quand la nouvelle de la mort de frère Ignace-Clément parvint au collège Sainte-Catherine, elle y produisit une profonde peine. Une messe de requiem fut dite à son intention. Par ailleurs, les élèves pensionnaires, aussi bien les infidèles et les orthodoxes que les catholiques, se cotisèrent pour faire célébrer douze messes en sa faveur. C'est un bel hommage à l'image de ce saint homme.


*Ce récit a été rédigé à partir des éléments du dossier des Archives Lasalliennes en ma possession.

ACTE DE NAISSANCE N°322 - ANOM
ACTE DE NAISSANCE N°322 - ANOM
ACTE DE DECES N°532 - AD ALLIER
ACTE DE DECES N°532 - AD ALLIER
FICHE MILITAIRE
FICHE MILITAIRE
Extrait de l'histoire des Frères des écoles chrétiennes de 1875 à 1928 par Frère Henri BEDEL
Extrait de l'histoire des Frères des écoles chrétiennes de 1875 à 1928 par Frère Henri BEDEL
Extrait  de la loi du 7 juillet 1904 du recueil intitulé l'histoire des Frères des écoles chrétiennes de 1875 à 1928 par Frère Henri BEDEL
Extrait de la loi du 7 juillet 1904 du recueil intitulé l'histoire des Frères des écoles chrétiennes de 1875 à 1928 par Frère Henri BEDEL