FRERE JUVATIEN
Avant de commencer l'histoire de mon troisième religieux dans ma famille, j'aimerais vous raconter comment j'ai su que parmi mes collatéraux, j'avais des religieux.
Après une longue pause de recherches généalogiques, j'ai été contactée le 21 juin 2023 via ma messagerie Généanet par une personne n'ayant aucun lien avec mon arbre, ni même avec La Réunion me disant ceci :
"Bonjour,
Je vois que vous descendez de Jean Vincent Morel, marié à Elisa Cadet.
Ils ont eu 3 fils qui ont été Frères des écoles chrétiennes :
Jean Néré, né en 1835
Rosély, né en 1841
Vincent, né en 1843
Voir archives-lasalliennes.org
Cordialement, Alain T."
Je ne vous cache pas qu'au début, j'ai été surprise par ce mail. Avant de contacter ce monsieur, j'ai donc fait des recherches sur l'ANOM pour vérifier les actes de décès, afin de voir si une mention religieuse était inscrite et elle y était bien. J'ai donc aussitôt remercié cette personne et j'ai relancé depuis ce jour là mes recherches. Comme quoi quand l'info doit venir à vous, et bien elle arrive.
Les informations sur la vie de mes collatéraux Frères cités sur ce blog sont tirées des archives lassaliennes des écoles chrétiennes demandées pour chacuns d'entre eux.
Voici donc l'histoire de cette famille du côté maternel.
Jean Vincent Morel Sosa 48 né le 22/01/1807 à Saint-Joseph a eu dix enfants avec Marie Elisa Cadet née le 20/09/1809 à Saint-Joseph.
- Gabriel en 1827
- Lazard en 1829
- Prosper Sosa 24 en 1830
- Auguste en 1831
- Jean Félix en 1833
- Jean Néré en 1835
- Marie Jeanne en 1839
- Rosély en 1841
- Vincent en 1843
- Jacques en 1845
Deux de ses enfants Jean Néré, Rosély vont rentrer chez les frères des écoles chrétiennes jusqu'à leur mort, quant à Vincent, il y rentre également mais fait le choix de quitter définitivement l'institution pour inconstance.
Je consacrerai la vie religieuse de Rosély dans un autre article. Mais pour l'heure, voici celle de Jean Néré MOREL né le 12/05/1835 à Saint-Joseph.
Le 1er janvier 1851, mise en application de l'arrêté du Gouverneur de La Réunion, Louis Isaac Pierre Hilaire Doret, du 13 décembre 1850. Un nouvel impôt, un octroi est perçu sur les objets venant de l'extérieur de la colonie, à l'entrée des trois ports : Saint-Denis, Saint-Paul et Saint-Pierre, un droit municipal d'octroi. Le but est de faire sortir les communes de l'île de l'état de pénurie où elles se trouvent en créant un impôt indirect établi sous forme d'octroi.
Par ailleurs en 1851, le gouverneur pousse à la colonisation des plaines, Plaine des Cafres et Plaine des Palmistes, dans l'espoir de fixer une population de Blancs pauvres et d'affranchis, dont la situation est extrêmement critique. Il incite à la diversification agricole. Ce développement des cultures vivrières et fourragères va permettre, selon lui, de contrebalancer la culture de la canne et prévenir une crise alimentaire qui serait fatale à la colonie.
C'est dans ce contexte de pénurie que Jean Néré fit son noviciat le 07/09/1851 à Saint Denis, il aura la garantie du gîte et du couvert que ses parents ne peuvent plus lui offrir. Au moment de sa prise d'habit le 07/12/1851, il reçut comme nom Frère Juvatien, fit son premier vœu le 06/09/1854, puis les renouvela de 1855 à 1866.
Dix jours après son arrivée dans l'institut, une grave épidémie de variole touche l'île. Des membres de l'équipage arrivant à bord de "La Sophie" sont atteints de variole. Ils débarquent en dissimulant la réalité de leur mal. Quand la manœuvre frauduleuse et criminelle est découverte, il est malheureusement trop tard : des Dionysiens sont déjà contaminés. L'épidémie s'étend alors rapidement sur toute l'île. Elle va durer près d'un an. On enregistrera 1 413 décès.
Mais revenons à Frère Juvatien, toutes les notes dans le dossier archivé qui nous sont parvenues au sujet de ce cher confrère sont unanimes à signaler sa simplicité, sa docilité, sa modestie et sa délicatesse de conscience. Employé uniquement dans .les classes élémentaires, ou aux fonctions du temporel dans un certain nombre de nos communautés de la Réunion, Frère Juvatien fut partout un sujet d'édification pour ses confrères et pour le public, tandis qu'il déployait, surtout pour la formation religieuse de ses petits élèves, un zèle au-dessus de tout éloge. « Quelle belle âme que celle du Frère. Juvatien ! nous écrit-on. Elle allait à Dieu sans effort, exhalant autour d'elle le suave parfum de ses vertus et acquérant chaque jour de nouveaux mérites pour le ciel. Heureuses les communautés qui possèdent de tels religieux! Elles ne peuvent que fleurir et fructifier sous la rosée féconde de la grâce qu'attirent sur elles ces âmes d'élite ! »
La mort de ce cher confrère devait être l'écho de sa pieuse vie. Atteint d'une affection cancéreuse à l'estomac, il se vit mourir comme à petit feu, sous les cuisantes et continuelles douleurs d'un mal qui ne lui ôta rien de son calme et de sa sérénité.
D'une patience à surprendre tous ceux qui étaient à même de le voir, il a souffert pendant plusieurs mois sans laisser échapper la moindre plainte. « Priez, priez, disait-il, suggérez-moi des oraisons jaculatoires, je vous prie, afin de m'aider à bien mourir. » Toutes les fois que ses forces le lui permettaient, il offrait ses souffrances à Notre-Seigneur en expiation de ses péchés, pour la Sainte Eglise, le Saint Père, notre cher Institut, nos vénérés Supérieurs et le collège de Curepipe à l'ile Maurice, d'où on avait dû le transférer à l'infirmerie de Saint-Denis.
Depuis le jour où le Frère Juvatien fut obligé de s'aliter jusqu'à celui de son trépas, il ne quitta pas un seul instant son chapelet, et presque constamment il portait avec affection le crucifix à ses lèvres. Après avoir reçu en pleine connaissance les derniers sacrements, il soupirait avec ardeur après le moment qui devait le réunir à son Dieu. Quelques minutes avant de mourir, il fit signe à un de ses confrères de s'approcher et lui dit avec un sourire angélique: « Je m'en vais! ... » En effet, quelques instants, après, sans agonie, sans secousse, il s'éteignit doucement le 31 août 1890 à l'âge de 56 ans, pendant qu'on récitait les prières des agonisants, auxquelles il s'unissait encore dans la mesure de ses forces.
Après trente neuf ans de religion, il fut enterré au caveau des frères à Saint-Denis (l'île de la Réunion).